Interview de Jérémie Briand-Wach, CRESS Nouvelle Aquitaine

Jérémie, qui es-tu ?

Je suis chef de projet communication à la Chambre Nationale de l’Économie Sociale et Solidaire Nouvelle-Aquitaine, et militant de l'ESS, pro-communs et formation-action. J'ai piloté la 5e édition, co-construite, du Forum National de l'ESS et de l'Innovation sociale, qui s'est déroulée en novembre 2019 à Niort, pour l'ouverture du Mois de l'ESS.

J'ai connu l'ESS via l'entrée associative bénévole et surtout coopérative avec un temps en région parisienne comme entrepreneur puis référent jeunesse de la coopérative d'activité et d'emploi Coopaname. Après une VAE comme formateur professionnel pour adultes et une reprise d'étude pendant deux ans j'ai rejoint les équipes CRESS, pour développer avec elles la promotion de l'ESS sur le territoire, dans un principe de subsidiarité.

 

D'après ton expérience, quel est pour toi le rôle de l'économie sociale et solidaire dans la question des transitions ?

L'économie sociale et solidaire est riche de plus de 200 ans d'histoire dont le mouvement coopérativiste est un parfait exemple d'idéal social et de modèle économique. En effet, le principe démocratique consubstantiel de l'ESS inscrit de fait le collectif dans tout projet qui se veut  de cette autre économie. Des nombreux et très divers sujets que l'on considère comme des solutions innovantes ont été portés par l'ESS, la bio, l'éducation populaire et bien évidement les banques coopératives et les mutuelles. C'est de cette approche plurale et citoyenne que l'ESS détient sa force. Ce qui veut dire que l'ESS est par principe un vecteur de transition.

Egalement, la capacité de l'ESS à intégrer et comprendre les particularités des territoires permet de créer des écosystèmes qui répondent aux besoins de leurs habitants, qu'il s'agisse des solutions énergétiques, d'alimentation ou sociétales. Le référentiel économique dominant promeut un modèle monolithique qui est très souvent éloigné de réalités territoriales. Depuis les années 80, la mise en place du New Management Public a répandu l'idée que seulement au travers l'optimisation de taches et procédés dans les secteurs publics, associatifs, etc., on parviendrait à un désengouement du secteur. Or, cette culture du chiffre a fait des moyens, une fin, ce qui vide de sens tout projet. Le rôle de l'ESS dans les transition deviendrait alors de permettre aux territoires et à ses acteurs divers de participer et faire partie d'une transformation sociale et écologique en liant des acteurs publics et initiatives citoyennes.      

Le monde d'après dont on entend tant parler aujourd'hui existait déjà auparavant, il est présent dans les différents projets et initiatives de l'ESS. Ce sont ces projets et ces acteurs, qui prendront en main les transitions pour continuer à construire un monde plus écologique, plus démocratique et plus résilient. Le tout, sans oublier nos points d'amélioration.

 

Enfin, comment pourrait-on donner encore plus de force et de visibilité aux Solutions Solidaires qui émergent dans nos territoires ?

Il est impératif que des institutions comme la CRESS continuent à travailler conjointement avec les acteurs des territoires sur plusieurs axes qui traversent l'économie sociale et solidaire. Je pense notamment aux communs, le travail de plaidoyer effectuée par la CRESS auprès des élu-es et des collectivités territoriales a mis en lumière l'importance, mais surtout l'utilité, d'accompagner les solutions solidaires portées par les territoires.

Pendant les semaines du confinement, la CRESS Nouvelle Aquitaine a mis en place une cellule de crise hebdomadaire avec les services de l'Etat et la Région. Cet espace de dialogue récurrent a permis de porter les constats, des solutions à court et moyen terme pour travailler sur la reprise d'activité. Une carte participative a été partagée pour identifier, repérer et rendre visibles les initiatives solidaires pour endiguer la crise (voir carte). Ce type de dispositifs permet d'identifier le maillage des entreprises solidaires sur les territoires, ce qui facilite la mise en lien et le débat démocratique.

Une Check-list des aides a été également constituée pour faciliter les recours des structures ESS. La crise sanitaire a fortement touché le secteur associatif qui a pourtant été l'un des plus actifs et plus utiles aux françaises et français.

 

Un dernier mot pour la fin ?        

Nous pouvons être toutes et tous les acteurs ou actrices des transitions, la moitié de la population mondiale appartient d'une manière ou d'une autre à une coopérative. En adoptant des gestes barrières contre le gaspillage et la consommation à outrance, en privilégiant le travail avec l'ESS plutôt que celui de l'économie conventionnelle, nous pouvons aussi donner de l'élan à une économie plus humaine, car elle est composée des forces et des valeurs des hommes et des femmes qui la font.

Cela m'amène à parler de la question de la formation, nous pouvons des ores et déjà apprendre aux enfants dans les écoles et aux jeunes universitaires que cette forme de faire de l'économie existe. La montée en compétences de personnes actives reste aussi un facteur fondamental des transitions. Plus, il sera facile d'accéder aux formations, plus nous connaîtrons des transitions réussites. Par réussite, je comprends  une économie, plus humaine, plus démocratique et plus responsable.