Expérimenter, c'est aussi apprendre pour avancer !

Le Sénat a adopté le 3 novembre dernier, à la quasi-unanimité (327 voix contre 15), le projet de loi organique relatif à la simplification des expérimentations mises en oeuvre sur le fondement du quatrième alinéa de l’article 72 de la Constitution. Cette demande de simplification était formulée par nombre d’élus locaux et par l’Observatoire de l’Expérimentation et de l’Innovation Locales de la Fondation Jean Jaurès. Mais cette avancée, nécessaire, n’est qu’un pas supplémentaire vers une véritable reconnaissance de l’expérimentation locale comme nouvel outil majeur des politiques publiques locales. Au-delà de l’aspect juridique, il convient désormais de permette son développement par un réel accompagnement opérationnel.

Expérimenter n’est pas une idée nouvelle. Au début du XXème siècle John Dewey proposait une transformation des conditions de vie de la société de son temps, au moyen des enquêtes citoyennes. L’action publique contemporaine est confrontée a des transformations majeures (transition écologique, démocratique , sociale), que ne pourront être opérées qu’a travers la mise en place de mécanismes d’expérimentation locale.  Pour construire ce que l’on nomme  « L’État agile », dont l’objectif est faire des citoyens et des usagers et des acteurs, les administrations doivent savoir expérimenter  et modéliser de politiques publiques permettant de réconcilier le local et le global.

L’expérimentation locale est donc un nouvel outil de l’action publique, appelé à devenir central, car il apporte un alliage innovant, démocratique, efficient, résilient et inspirant.

L’expérimentation locale est sans doute un levier incontournable de la participation citoyenne. Elle est aussi une nouvelle forme de régulation et gage de confiance vis- à-vis de l’action responsable des élus locaux. L’expérimentation locale permet également de déconcentrer l’action publique pour insuffler du pouvoir d’agir dans les territoires. Toutefois, l’expérimentation doit encore dépasser certains freins, notamment juridiques, pour qu’elle puisse se déployer dans l’ensemble du territoire national et devenir porteuse de solutions. L’article 72, 4 de la Constitution empêchait toute véritable utilisation de l’expérimentation locale ( 4 seulement en 17 ans).

Il convient donc de prévoir la modification de la loi organique de 2003 qui posait ces contraintes afin de libérer ce droit à l’expérimentation, et notamment en supprimant les verrous de la durée limitée et du principe « abandon ou généralisation ».

Le projet de loi en cours pourrait aménager les bonnes conditions d’un droit à l’expérimentation. Mais ceci ne peut pas suffire. Car les verrous désormais supprimés, demeurent les verrous opérationnels. Pour désentraver la mise en place de la loi, la ministre a déclaré vouloir suivre les recommencions du Conseil d’Etat, qui préconise la création des « guichet permanents » pour recueillir les propositions des collectivités territoriales en termes d’expérimentation locale. Via des appels à projets, ces initiatives pourraient solliciter de l’accompagnement en ingénierie de projet, ainsi que du soutien financier.

Des nombreux outils pourront être créés pour accompagner les démarches d’expérimentation locale. (1) Un outil permettant l’accompagnement participatif à l’instar du Territoire Zéro Chômeur. (2) Un outil en accompagnement d’ingénierie  comme par exemple « entrepreneurs d’intérêt général»  (3) Un fonds dédié à l’expérimentation et enfin (4) un dispositif d’évaluation des politiques publiques (EPP) pour mesurer l’impact des expérimentations.

Le projet de loi 3D qui devrait être présenté en Conseil des ministres en début d’année prochaine, devrait devenir un levier puissant de la décentralisation de notre pays.

 

Par Nicolas Bouillant

Directeur de l’Observatoire de l’Expérimentation et de l’Innovation Locales de la Fondation Jean Jaurès.

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