L’écologie sera solidaire ou ne sera pas

Transition écologique

La table-ronde introductive de la 5e édition de Solutions solidaires placée sous le thème de l’écologie solidaire a réuni entre autres, Jean-Luc Gleyze, Président du Département de la Gironde, Chaynesse Khirouni, son homologue de la Meurthe-et-Moselle, Cécile Duflot, directrice générale d’Oxfam France et Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT et co-fondateur du Pacte du pouvoir de vivre.

Comment penser et mettre en œuvre une transition écologique qui ne laisse personne au bord du chemin ? Comment le faire en prenant en compte l’urgence et l’ampleur des transformations ? Chacun a pu exprimer ce qu’évoque le terme d’écologie solidaire au regard de ses actions. Extraits.

Le cœur du sujet est l’écologie solidaire

Dans le département de la Gironde, tous les risques sont possibles : inondations, incendies, sites Seveso, centrale nucléaire… à l’exception des avalanches. Jean-Luc Gleyze déclare :

« Ce qu’évoque l’écologie solidaire pour nous fait écho au fait que la Gironde est une sorte de laboratoire des risques. Il faut savoir que les communes incendiées en 2022 avaient été inondées en 2020… Nous avons ainsi pu mesurer que le dérèglement climatique est prégnant. Tout dérèglement climatique entraîne un dérèglement social car ce sont les plus fragiles qui sont les premiers touchés. J’ai tendance à parler d’un dérèglement global plus que climatique car les urgences climatiques sont intimement liées aux urgences sociales. Écologie et solidarité sont liées, c’est un vrai sujet de savoir comment on apporte les meilleures réponses pour accompagner à la prise de conscience du dérèglement climatique, et à la manière de l’accompagner au mieux dans les parcours de vie. Le cœur du sujet à traiter au travers de nos missions départementales de solidarités est bien l’écologie solidaire. »

Lier les deux dimensions dans les solutions

Le rapport sur les inégalités d’Oxfam est sorti il y a quelques semaines. Difficile de ne pas faire le lien avec le sujet du jour… Cécile Duflot prend la parole :

« Pour commencer, il y a deux éléments importants. Pendant longtemps on a alerté sur la crise climatique mais il ne faut jamais oublier que la principale espèce menacée est l’espèce humaine. Si on veut lier les deux dimensions, c’est important. Il ne s’agit pas de sauver la planète, elle se rétablira, mais de sauver les hommes. Ensuite, il ne faut pas oublier deux chiffres : 50% des plus pauvres de l’humanité émettent 10% du gaz à effet de serre (GES) et 10% des plus riches émettent la moitié. Et pourtant, les plus pauvres sont les plus victimes du dérèglement climatique. La pauvreté est un facteur d’aggravation. Oxfam est une organisation née en 1942 en Grande-Bretagne, il y a plus de 80 ans. On luttait alors contre la pauvreté et on s’est rendu compte que lutter contre la pauvreté et pas contre les inégalités ni contre le changement climatique, était un combat vain. Les inégalités sont un maintien dans la situation de pauvreté. Lier les deux dimensions dans les solutions est essentiel. »

Il faut construire du consensus social

La capacité d’anticipation sur les enjeux écologique et solidaire est fondamentale. La gestion ne peut se faire que dans l’urgence. Il faut construire le dialogue social, s’appuyer sur le dialogue social et revoir nos modèles de protections sociales, par exemple. D'après Laurent Berger :

« Du point de vue de la CFDT, il y a longtemps qu’on pense que les enjeux sociaux et environnementaux vont de paire. Les enjeux sociaux ne sont pas des sous-produits des enjeux écologiques ou environnementaux. Il faut penser en même temps la transition écologique, les changements d’usages, les déplacements, la décarbonation, les évolutions des process de production, même si c’est plus facile à énoncer qu’à faire. En même temps, il faut penser les transitions sociales annoncées notamment la réduction des inégalités. L’enjeu démocratique est une troisième dimension, sinon nous allons vers la casse sociale, économique et l’altération environnementale. Il faut intégrer une autre répartition des richesses : taxation des revenus du haut patrimoine, contribution des entreprises dans un engagement fort… Il existe des leviers possibles dans les territoires comme la prise en compte des impacts environnementaux et sociaux. L’éco-socio conditionnalité des aides publiques en Nouvelle-Aquitaine, par exemple, est fondamentale. C’est tout le soutien des collectivités territoriales qui doit être conditionné à des enjeux d’écologie solidaire. Tout est à construire dans une dimension transversale permanente : enjeux sociaux, environnementaux et démocratiques pris au sens large et à chaque échelon, national, européen et local. C’est une bifurcation fondamentale de notre modèle de développement. »

Nos ressources limitées sont nos communs

Le Département est la collectivité des solidarités humaines et territoriales. Chaynesse Khirouni évoque son cas :

« Présidente du Département de Meurthe-et-Moselle, j’ai aussi un parcours professionnel dans le champ de l’insertion et du micro-crédit depuis 20 ans. J’ai pu constater la réalité de la pauvreté et des inégalités qui se creusaient de manière forte, et la réalité de la question du pouvoir de vivre. Car en fonction des budgets, quand on enlève les charges fixes, il ne reste pas grand-chose pour vivre. Dans notre projet départemental, nous avons confirmé la transition écologique et solidaire au cœur de notre mandat. Les plus fragiles, les plus modestes et les plus pauvres sont touchés par le réchauffement climatique alors on met la politique au service de l’humain, celle qui donne une juste place à chacun et une juste contribution en fonction de ses moyens dans un monde aux ressources limitées. Nos ressources limitées sont nos communs. »