Quel sera l’habitat de demain ?

À l’occasion de la 5e édition de Solutions Solidaires, une table ronde a lancé le débat sur le logement. À l’heure où ce secteur est en pleine crise, quatre experts ont pu exposer leurs points de vue et partager leurs idées pour dessiner un avenir plus prospère. Eve Szeftel, journaliste pour Libération a animé les échanges.

« Tous les voyants sont au rouge »

annonce Stéphane Troussel, président socialiste du Département de la Seine-Saint-Denis, à propos du logement en France. Voilà un constat sans équivoque que ce dernier tente d’expliquer.

« La fondation Abbé Pierre évalue à 15 milliards d’euros la ponction faite sur le secteur du logement, le logement social en particulier, avec la baisse des APL, avec la création de ce qu’on a injustement appelé la réduction du loyer de solidarité. »

Il dénonce le désir du Gouvernement de faire du logement social un logement résiduel exclusivement réservé aux plus pauvres.

Crise sanitaire

L’accent est ensuite porté sur l’impact qu’a eu la crise sanitaire sur ce même secteur. Stéphane Troussel recense quelques départs de résidents de son département vers d’autres plus ruraux, notamment de la part des familles nombreuses. En effet, Seine-Saint-Denis Habitat dénombre 33 000 logements libres contre une demande de plus de 120 000 foyers. Il faudrait alors tendre vers une production de logement abordable, multiplier les logements solidaires, élargir la possibilité d’imposer des outils comme le Bail Réel Solidaire. Toutes ces propositions sont lancées dans le but de permettre aux catégories populaires et moyennes de rester dans les zones denses.

Face à ce constat, Hélène Milet, géographe et directrice de programmes territoires à la POPSU (Plate-forme d’observation des projets et stratégies urbaines), rebondit. Bien que le confinement ait eu un impact sur la conception que chacun se fait de son habitat, l’exode urbain n’existe pas. Si avant on habitait en ville pour la proximité des services, maintenant, les usagers ont besoin de plus d’espace et d’un jardin.

Exode urbain ?

Cependant, les flux de déplacement des villes vers les campagnes restent minimes. Les grandes villes attirent encore et les phénomènes de métropolisation, périurbanisation et littoralisation ne cessent d’accroître.

Michel Lussault, géographe et directeur de l’école urbaine de Lyon, appuie ce propos :

« La crise sanitaire je la prends comme un moment d’expérimentation collective où nous pouvons réaliser un certain nombre de vulnérabilités des systèmes géographiques et sociaux dans lesquels nous avons l’habitude d’habiter, sans trop les questionner. Pendant la crise sanitaire, beaucoup de personnes ont réalisé la médiocrité du confort de leur logement. La pandémie dans le monde entier a été révélatrice d’une profonde insatisfaction des habitants. »

Il poursuit en évoquant la multiplicité des ressentis. Certains individus veulent devenir propriétaires, d’autres rester locataires ou bien faire partie de logements coopératifs. Une solution miracle n’existe donc pas et il est primordial de s’adapter à cette diversité. Il conclut son propos en dénonçant la dissuasion par l’État de développer le modèle des propriétés coopératives.

Proto-habitat

Face à tous ces postulats, Flavien Menu est venu présenter une solution : le proto-habitat. Ce projet est né en 2020 à la Villa Médicis à Rome. Les chercheurs se sont aperçus des disparités sociales et de la gentrification accélérée présente dans les grandes villes. Alors ils ont décidé de construire plus écologique. L’idée est de bâtir une structure 100% bois avec une traçabilité des matériaux de moins de 400 kilomètres par rapport au lieu d’assemblage. Ce bâtiment mobile se monte en cinq jours et se démonte en trois. Il peut se déplacer et répondre à des usages de logement, de bureau, de lieu d’exposition ou de showroom. Il est d’abord destiné aux entrants du parcours résidentiel (jeunes), les accidentés de ce parcours ainsi que les sortants. Pour le moment, le prototype a une superficie de 70m² et est prévu pour accueillir un couple avec un jeune enfant. Un projet semblable à celui du proto-habitat est évoqué par Stéphane Troussel sous le nom de Toitures Temporaires Urbaines. Des solutions solidaires face à des difficultés croissantes.