« La France qui essaie », c’est nous !

Le 26 Octobre dernier, Solutions Solidaires co-organisait avec le Conseil Economique Social et Environnemental (CESE), Libération, la Fondation Jean-Jaurès, Département Solidaire et le Département de la Gironde, une journée de plaidoyer pour « une société de l’expérimentation ».

Comment faire travailler ensemble Etat, collectivités territoriales, associations et entreprises ? Quelle place pour les initiatives locales et l’engagement citoyen ?

Voici deux questions qui ont animé les débats. Elus locaux, parlementaires, chercheurs, représentants de l’économie sociale et solidaire et citoyens ont croisés leurs savoirs pour échanger des idées et apporter des réponses concrètes dans cette « assemblée du premier mot » qu’est le CESE. 

La démocratie étant le cœur du sujet, le rapport à la loi, le rapport au temps et au sentiment de le voir confisqué ainsi que le rapport à la confiance ont été mentionnés à chaque table-ronde, démontrant leur transversalité et le fait que la société est le résultat d’un tissage continu de relations, sans quoi, la société est absente.

L’expérimentation vient questionner autant que vivifier ces relations démocratiques.

Premièrement parce qu’elle permet une forme de rupture nécessaire avec un cadre légal dont la « sacralité » l’empêche parfois de s’adapter aux réalités humaines et territoriales.

Deuxièmement, parce qu’elle permet de se donner le temps d’essayer ensemble, d’accepter de se tromper donc, mais surtout d’oser réussir.

Troisièmement, parce qu’elle permet de sortir d’une conception verticale de la confiance en privilégiant une démarche horizontale, faisant d’abord confiance aux citoyens pour élaborer les solutions qui correspondent à leurs besoins.

« L’Etat se permet de généraliser, ou plutôt d’imposer des expérimentations, comme France Travail, alors qu’elles n’ont été éprouvées que sur 3% du territoire et sur une temporalité très courte. Sans aucune consultation préalable des territoires ni preuve de sa pertinence. Pourtant, il refuse la majorité des expérimentations menées par les Départements, alors même qu’elles font leurs preuves ! », Jean-Luc Gleyze (Président de Solutions Solidaires et du Département de la Gironde)

Si la Constitution consacre un « droit à l’expérimentation » et la Loi « 3DS » met en avant la « différenciation », donc la capacité d’un territoire à saisir ses réalités et à agir en conséquence en usant des voies et moyens singuliers, la réalité est toute autre. Pourtant, c’est souvent grâce à ces expérimentations locales que les politiques publiques dépassent la simple production de norme pour entretenir une sociabilité essentielle à la cohésion sociale.

« Les personnes durablement éloignées de l’emploi ne sont pas des invisibles, mais des ignorés », Laurent Grandguillaume (Président de Territoires Zéro Chômeurs de Longue Durée, TZCLD)

Ces mots ont eu une résonnance particulière dans l’hémicycle du CESE alors même que plusieurs maires inscrits dans la démarche TZCLD ont interpellé l’Etat pour exiger 20 millions supplémentaires et nécessaires à la bonne poursuite de ce dispositif. N’oublions pas qu’il a permis d’embaucher 2 500 personnes dans des Entreprises à But d’Emploi (EBE) et 2 500 autres ont été « remobilisées ». 

Le Président de TZCLD a enfin rappelé que « le droit à l’emploi figure dans le préambule de la Constitution de 1946 ». Faudrait-il aller jusqu’à en faire un droit opposable afin qu’il soit enfin garanti pour toutes et tous, partout ?

De nombreux intervenants se sont rejoints sur le fait qu’ils « agacent » l’Etat, notamment parce qu’ils osent expérimenter. Mais quel mal y-a-t-il à partir de ce terreau de la démocratie que sont les communes, les départements, le secteur associatif, les citoyens – bref, du socle de notre République démocratique et sociale ? Par-delà la défiance, c’est une relation de confiance entre l’Etat et les territoires qu’il faut retrouver : l’expérimentation locale peut-être une voie de réconciliation.

« Son exercice [le droit à l’expérimentation locale] doit être garanti par un cadre réglementaire et un apport financier dédié de l’Etat qui peut prendre la forme de subventions supplémentaires par projet, ou la création d'une dotation spécifiquement dédiée à l'innovation locale expérimentale. » - Jean-Luc Gleyze

Entre matière à penser et à agir, cette journée a donc ouvert la voie « vers un nouveau continuum démocratique » (Thierry Beaudet) entre toutes les parties prenantes de la société. Et à son terme, la conclusion est claire : « une démocratie moderne ne peut réduire le citoyen à l’électeur » pour reprendre les mots du Président du CESE.

Pour mener à bien ce chantier la relation entre le CESE et les territoires sera fondamentale comme l’a démontré cette journée de travail qui en annonce bien d’autres, notamment autour d’une proposition lancée par Jean-Luc Gleyze :

« Je crois nécessaire que les élus locaux, Présidentes & Présidents de Département, les parlementaires et les associations se réunissent autour du revenu d’autonomie pour approfondir les fondamentaux du revenu de base. J’ai l’intention de lancer un appel pour porter collectivement ce projet de société réellement en accord avec notre modèle social érigé par le Conseil National de Résistance sous la forme d’une proposition de loi à l’Assemblée Nationale. »

L’expérimentation locale apparaît donc comme étant une des solutions solidaires pour nouer un réel engagement réciproque et une responsabilité partagée, deux éléments fondamentaux pour faire ensemble la société de demain.
 

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