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Les gilets jaunes, 5 ans après

Solidarité

Le 17 novembre, date anniversaire de la première manifestation de l’Acte 1, s’est tenu le forum « Gilets jaunes, cinq ans après, quelles leçons tirer ensemble ? » organisé par le Département de la Gironde, la Fondation Jean-Jaurès, la Ville de Bordeaux, le centre Emile-Durkheim, Libération et les Éditions Le Bord de l‘eau à l’espace Garonne de Bassens.

Dans la salle, ils étaient plusieurs à porter la fameuse chasuble, un collectif de gilets jaunes comme il en existe encore une centaine dans le pays, des élus, des citoyens, des intervenants du monde associatif comme ATD Quart Monde ou l’association PourQuoiPas 33, partenaires de l’événement, des chercheurs et des artistes, ont tenté d’analyser les causes et les effets de ce mouvement inédit dans l’histoire du pays et particulièrement vigoureux en Gironde, pour mieux le comprendre et en tirer des leçons pour le présent et l’avenir.

Depuis un an, dans le cadre de sa thèse financée par le Département de la Gironde, le chercheur Samuel Noguera, dépouille les 55 000 contributions et revendications écrites dans les 364 cahiers de doléances auxquels ont pu participer l’ensemble des Girondines et Girondins dont les gilets jaunes, certains ouverts dès le début des événements d’autres à l’initiative des communes puis de l’État, avant d’être versés aux Archives départementales de la Gironde.

Inégalités territoriales

Étymologiquement doléances signifie souffrir, mais souffrir de quoi ? C’est ce que leur étude nous apprend. Les cahiers sont aussi « citoyens », autrement dit, ils avaient vocation à recueillir les mots d’une expression populaire, éclectique, la parole de celles et ceux que l’État sollicite peu hors des élections (et c’est là où le bât blesse), celles et ceux qui ne sont pas consultés et parfois empêchés par la honte, victimes des injustices liées au savoirs.

« Il y a de nombreuses femmes, des personnes vivant dans des situations précaires ou habitant dans les zones rurales, » précise Samuel Noguera.

Après un an, le chercheur a dépouillé le quart du fonds et des documents administratifs de l’époque.

« Les revendications sont globalement les mêmes que celles qu’on entendait sur les ronds-points : le pouvoir d’achat et le pouvoir de vivre. Ce qui ressort, c’est une grande attention aux enjeux d’enclavement et désenclavement des territoires ruraux vis-à-vis des territoires urbains. Des inégalités territoriales qui interrogent l’accessibilité des services publics et la crise de la représentation politique, » ajoute-t-il.

Les contributions sont aussi différenciées selon les territoires et prennent aussi une dimension écologique, par exemple sur les pesticides dans le Médoc.

« Il y a eu des mouvements et pas un mouvement des gilets jaunes, » indique Lucile Schmid, élue locale écologiste en Île-de-France et cofondatrice du think tank La Fabrique écologique.

Enjeux sociaux et écologiques

Lucile Schmid rappelle :

« La résonance a d’abord été démocratique, une révolte par rapport à la pratique du pouvoir, souvenez-vous « Nous sommes tous des gilets jaunes ! ».

Cependant, l’écologie tient une grande place dans les contributions, nous sommes à l’articulation du social et de l’écologie. Les gens écrivent :

« Nous vivons dans une extrême frugalité, les grandes entreprises devraient aussi faire des efforts. D’ailleurs, la Convention citoyenne pour le climat n’aurait sans doute pas existé sans les gilets jaunes. »

Le grand débat national qui était une réponse aux gilets jaunes a fait de nombreuses contributions sur l’écologie.

Dans la salle, on déplore qu’elles n’aient pas été reprises comme telles par le Gouvernement qui a préféré miser sur les revendications « sécuritaires », pourtant minoritaires dans les cahiers, à l’échelle girondine comme nationale.

Marcel Guilhembet, gilet jaune de la première heure estime :

« qu’ils ont été victimes de préjugés alors que pendant deux ans, il se réunissaient deux heures par jour, tous les jours : de l’intelligence collective et des savoirs partagés pour s’interroger sur comment vivre ensemble ? Nous avons été consultés, mais pas entendus. L’État concentre les pouvoirs. »

Il sourit :

« La dernière fois qu’il y a eu des cahiers de doléances, c’était en 1789 et ils ont abouti à la Constitution et aux Droits de l’Homme. »

Une femme se lève, son gilet jaune annonce « Tout augmente sauf nos droits », elle dit :

« J’entends intelligence collective, j’ajouterais intelligence émotionnelle. La colère est une émotion dont on peut se servir pour changer le système. »

Céline Goeury, conseillère départementale déléguée à la citoyenneté et la laïcité, ponctue :

« Ce qui va changer, c’est avoir ce retour d’analyse [des cahiers de doléances] et, dans un contexte toujours inflationniste, permettre au Département de s’en saisir pour améliorer ses politiques publiques et être plus pertinent sur les territoires. »

« De la valse des ronds-points aux cahiers de la colère » : livre codirigé par Jean-Pierre Lefèvre et Pierre Robin avec Magali Della Sudda aux Éditions Rebellio.

« Doléances d’hier et d’aujourd’hui », lecture théâtralisée qui deviendra un spectacle en 2024, actuellement en cours d’écriture par La Compagnie Jusqu’à l’aube.

Rappel du programme

10h : Introduction avec Jean-Luc Gleyze et Céline Goeury, Pierre Hurmic, Jérémie Peltier et lecture de la lettre au Président de la République d’une mère de Libourne, par la Compagnie jusqu’à l’aube.

Matinée : Comprendre

  • 10h30-11h30 : Table ronde 1 Les gilets jaunes cinq ans après : quel récit partager ? 
    1. Lectures politiques et opinions avec Bruno Cautrès, chercheur au CNRS et membre du CEVIPOF.
    2. Lectures sociologiques avec Magali Della-Sudda, polististe et socio-historienne, chargée de recherche au CNRS, membre du centre Emile Durkheim.
    3. Lectures territoriales avec Eric Charmes, directeur de recherche à l’ENTPE (Vaulx-en-Velin).
  • 11h30 - 12h30 : Table ronde 2 Gilets jaunes, médias et réseaux sociaux avec Ludivine Préneron, auteure d'un mémoire de recherche sur l’analyse et la chronologie des « représentations médiatiques des Gilets Jaunes sur BFMTV d’octobre 2018 à janvier 2019 ».

Après-midi : Tirer les leçons

  • 13h30-14h00 : Transition avec Marie Garrau, maîtresse de conférences en philosophie sociale et politique à l'université Paris 1 Panthéon Sorbonne et membre de l'Institut des sciences juridique et philosophique de la Sorbonne, Marie Joe Lebreton, militante d'ATD Quart-Monde et Bruno Tardieu, militant, universitaire, ex-délégué national d’ATD Quart Monde. Ils sont tous trois co-auteurs de l'ouvrage Pour une nouvelle philosophie sociale, au Bord de l'Eau.
  • 14h00-15h00 : Table ronde 3 Gilets jaunes, une alerte écologique et sociale entendue ? avec Lucile Schmid, élue locale socialiste puis écologiste en Ile de France et cofondatrice du think tank La Fabrique écologique et Samuel Noguera, doctorant au sein du Département de la Gironde, sur les cahiers de doléances girondins.
  • 15h00 - 16h00 : Table ronde 4 Gilets jaunes, une alerte démocratique entendue ? avec Marion Paoletti, professeure de sociologie à l'Université de Bordeaux et Pierre Robin, historien, auteur d’études et d’ouvrages sur l’histoire sociale. Récemment, il a co-dirigé l'ouvrage De la valse des ronds-points aux cahiers de la colère.
  • 16h00 - 16h30 : Conclusion et représentation de la Compagnie Jusqu’à l’aube.
Media

Les Gilets Jaunes, 5 ans après : quelles leçons tirer ensemble ?

Description

Aftermovie de la rencontre du 17 novembre 2023.

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